LE
TEMPS
Le temps a labouré le front Creusé des tranchées, des
sillons Indélébiles traces sur l'armure Cicatrices de guerre de l'usure.
Les cheveux ont fuit, déserté Le champ de bataille
clairsemé Le temps a coloré de blanc Battu en
neige les survivants.
Le temps poussé par son audace A écrit sur toute la
face En braille pour que même la nuit Les mains sachent qu'elle a vieilli.
Silhouette devenue hors norme Le temps a rajouté des
formes Fait tomber les fruits mûrs des seins Délaissés des yeux et des mains.
Esclave libéré de son bât Le temps a mis en berne son
mât Contraignant à la chasteté Le
drapeau de virilité.
Le temps a planté des douleurs Pour alimenter la
rumeur Des petits potins quotidiens Vendus
en achetant le pain.
Le temps a changé les regards En compassion pour le
vieillard Malin celui-ci en rajoute Du poids
à son dos qui se voûte.
A la vue d'un trop court jupon Les yeux s'allument
polissons D'une lueur teintée de vice Le
temps n'éteint pas la malice.
Dans l'écrin secret de son cœur Caché derrière la
rancœur Le temps a conservé la flamme Lumière en sommeil de son âme.
Le temps l'a recouvert de deuil A enterré tas de
cercueils De trahisons et de regrets D'illusions mortes à jamais.
Le temps a mis bas tous les masques Dépouillé la vie de ses
frasques Seule la vérité toute nue Ni belle ni moche est
apparue Va enfant court vers l'essentiel Ne perd pas de temps en
querelles A froisser de fragiles ailes En quête de rêves d'éternel
Ne laisse pas des chaînes dorées Retenir ton navire à
quai Le temps réclame que les vingt ans Soient poussés au large par le vent
Le sablier écoule et passe Le temps inexorable
impasse.
|