EN CE TEMPS-LA
 

En ce temps-là j'étais en mon adolescence,
Ballottant le navire fragile de ma conscience
Mauvais temps, calme plat, bourrasques et tempêtes
Alternaient agitant les voiles de ma tête.

Par un ciel dégagé l'apprenti moussaillon
Sourire béat aux lèvres musardait sur le pont
Rêvant d'un port tranquille où viendraient s'abriter
Les petites barques fragiles comme les gros chalutiers.

Les bras d'une maman, la voix amie d'une sœur
Seraient quais rassurants ou s'amarrent les bonheurs,
Leurs voix douces de sirènes baliseraient les flots
Guidant dans le brouillard le jeune matelot.

Des silences pesants de désapprobation
Suffiraient à l'enfant comme sévère punition.
La croisière de la vie s'écoulerait à bord
Sans incident majeur sur le cahier de bord.

Hélas le chœur des mâles chargé par la boisson
Basculait le navire avec des mots violents
Entraînant dans son souffle la timide goélette
Sur des eaux bien trop grosses pour la fine silhouette.

L'orage cognait les flancs par bâbord  et tribord
De l'esquif sans boussole pour indiquer le nord
Les intestins malmenés par le mal de mer
Amenaient à la bouche une bile amère.

Hélas une armada battant pavillon noir
Arborant chapelets, soutanes et ciboires
Décida qu'il fallait mettre sous surveillance
Corps et âme tentés par de la turbulence,
Par des appels du large que l'esprit déluré
Imaginait peuplé de naïades dénudées.

Dès lors défendu de quitter des yeux le phare,
De pêcher, naviguer en eaux troubles sinon gare :
A la place du paradis des tourments d'enfer
Au lieu de l'arche paisible pour toujours la galère.

Depuis ce temps de l'eau a coulé sous les ponts
J'ai traversé des mers, bu de nombreux bouillons
Pourtant du fond de moi remonte à la surface
Même aujourd'hui encore la lame des menaces.
 
    
     retour haut de page                                                            retour menu poésie perso                                                     retour accueil