Métamorphoses
 
 
 
Voulant distraitement me tenir compagnie
Vous savez devenir un objet familier,
Et métal ou miroir, lampe étroite, bougie,
Vous mettez ça et là quelques tremblant reflet.
 
Ou bien, pesant si peu dans l'air  qui nous entoure
Vous ignorez encor où vous demeurerez,
Et refusant de vous couler dans un objet
Vous prenez pour logis la lumière du jour.
 
Où donc cacherez-vous aujourd'hui votre forme,
Je fais aller mes yeux du parquet au plafond
Lorsque, derrière moi, vous entr'ouvez la porte
Vous, vivante, au plus clair d'une tendre raison.
 
Sûre de vous, vous souriez dans l'embrasure
Quand j'hésitais encor entre milles figures
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
C'est vous quand vous êtes partie,
L'air peu à peu qui se referme
Mais toujours prêt à se rouvrir
Dans sa troublante cicatrice
Et c'est mon âme à contre jour
Si profondément étourdie
De ce brusque manque d'amour
Qu'elle n'en trouve plus sa forme
Entre la douleur et l'oubli.
Et c'est mon coeur mal protégé
Par un peu de chair et tant d'ombre
Qui se fait au goût de la tombe
De ce rien de jour étouffé
Tombant des astres, goutte à goutte
Miel discret de ce qui n'est plus
Qu'un peu de rêve révolu.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
La Maladie
 
 
 
Sur un lit si lointain qu'il en devient tout sombre,
Quand je vous touche enfin avec les mains du songe!
 
La fièvre entre chez vous, dérange vos papiers,
Elle ouvre des tiroirs, rougit de vos secrets,
Vous percevez des pas, une hâte sans fin
Dans votre corps sans jour comme un long souterrain.
 
Et votre bras rameur, sous le vent des ténèbres,
Pend et cherche la mer.
 
Il frôle le parquet, la vague se refuse,
Il cherche alors l'écume et croit la caresser.
 
Autour de votre lit, sur des barreaux légers,
Les oiseaux de l'amour meurent sans se dédire.
 
On les emporte sans mot dire
Vers de basculants escaliers.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Ne tourne pas la tête, un miracle est derrière
Qui guette et te voudrait de lui-même altéré :
Cette douceur pourrait outrepasser la Terre
Mais préfère être là, comme un rève en arrêt.
 
Reste immobile, et sache attendre que ton coeur
Se détache de toi comme une lourde pierre.
 
 
 
 
 
 
 
 
Un poète
 
 
 
Je ne vais pas toujours seul au fond de moi-même
Et j'entraîne avec moi plus d'un être vivant.
Ceux qui seront entrés dans mes froides cavernes
Sont-ils sûrs d'en sortir même pour un moment ?
J'entasse dans ma nuit, comme un vaisseau qui sombre,
Pèle-mèle, les passagers et les marins,
Et j'éteins la lumière aux yeux, dans les cabines,
Je me fais des amis des grandes profondeurs.