LE  LAVOIR
 
 
 
 
 
 
 
 
Eau claire du ruisseau, je prenais bien mon temps ,
Au beau milieu des herbes pour traverser les champs.
A la lisière d'un bois, dans une clairière
Un grand trou dans la terre, un barrage de pierres
Me retinrent prisonnière et sans même le savoir
Moi, le petit cours d'eau je devins un lavoir.

De braves ménagères des grosses et des fluettes
Arrivaient une à une en poussant leurs brouettes.
A l'ombre de gros chênes juchés sur un talus
Elles préparaient un feu découvrant leurs bras nus.
A genoux dans la paille elles s'éreintaient le dos
Savonnant puis tordant sur des cailloux très gros
Chemises et pantalons qui vomissaient la trace
Laiteuse du savon mélangée à la crasse.

Le linge sale bouillait dans de grosses lessiveuses
La marmaille dans les bois s'ébattait, elle, heureuse.
Les jeunes châtaigniers étaient une providence.
Pour ces jeunes guerriers ils devenaient des lances
Flèches, arcs et épées, toute la panoplie,
Les branches pour les armes, les feuilles pour habits.
Puis les héros partaient dans les hautes fougères
Poursuivre les méchants. Impitoyable guerre.
Le départ était vif, impatientes les montures.

Mais un genou blessé, une petite écorchure
Et les indiens en pleurs revenaient en boitant
Se faire consoler dans les bras de maman.
Cette priorité stoppait les commérages
Accalmie pour ces dames échinées à l'ouvrage.

Les vertes sauterelles, les trapus hannetons
Vivaient maîtres des lieux insensibles aux enfants
Ignorants le danger, pauvres petites bêtes
De finir prisonniers dans une boite d'allumettes.
De gracieuses libellules, sylphides de douceur
Dansaient d'étranges ballets autour de ma fraîcheur.

L'unique roue couinait, le linge mouillé et lourd
Rendait plus difficile la pente du retour.
Et puis de temps en temps les maris de ces dames
Me laissait repartir à l'aide d'une vanne.
Eau sale d'un lavoir je me jetais peu fière
Cacher mon infamie dans l'eau trouble d'une rivière.

 

 


 
 
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