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REGRETS
Des larmes s'échappaient des visages anxieux. Les demandes
fusaient : "Alors va-t-elle mieux ?" Les rues se répétaient le dernier
bulletin De santé moins mauvais vendu avec le pain : "Elle a ouvert les
yeux, est sortie du coma Une douzaine d'œufs, un paquet de tabac A remué
la main, elle a bougé le pied Une chopine de vin, deux belles
araignées." A l'hôpital ses filles à son chevet sans cesse D'un mot
toujours gentil, sur la joue une caresse Encourageait le souffle a repoussé
encore La voile bien trop proche du bateau de la mort. Le corps presque
sans vie poussé par tant d'amour De patience infinie tentait bien à son
tour De grignoter du temps, d'obtenir un sursis Une grande permission au
gérant de la vie. Les prières de certains à un souverain Dieu Qu'on
implore parfois en regardant les cieux. L'espérance des autres envers la
médecine Qui déchiffre le mal, qui trouve ou qui devine. Rien n'y a
fait hélas et la grande faucheuse Entre ses larges doigts tenait la
malheureuse. Sept longues semaines a duré l'agonie Avant que le supplice
ne fut enfin fini Que n'arrive alors triomphante la mort Comme une
délivrance pour le pauvre petit corps. Dans le vide de l'absence
s'engouffrent des regrets Pour des gestes, des paroles qu'on imagine
après Auraient fait de la peine, peut-être monté des larmes Sans que
jamais une plainte ne sorte de son âme. A elle qui donnait tant, nous,
avons-nous assez Montré d'amour, d'égards à la chère
trépassée.
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