Le grand incendie
de Shirley HAZZARD
 
 
  
      1947 : la paix a un goût étrange.
     L'Angleterre est en ruine, la Chine attend la victoire de Mao, le Japon est hanté par ses crimes de guerre et par Hiroshima.
   Entre ces trois pays navigue Aldred Leith, sinologue, fils d'un romancier célèbre, héros blessé au combat.
  Comme tous ses contemporains, il oscille entre euphorie et désillusion, soif de vivre et peur du vide. Et il se pose une question lancinante : quel sens donner à cette existence qu'il a failli perdre ? Comment justifier d'avoir survécu ?
  Et puis dans le monde d'ambitions et d'intrigues des troupes d'occupation, il croit retrouver une innocence perdue, incarnée par deux adolescents cultivés et fervents : un jeune homme voué à une mort prochaine et sa sœur, tous droits sortis d'un conte de fées.
 Cela peut-il suffire à construire un monde ?
 
  Un beau livre envoûtant, doux et triste à la fois.
  Un heureux mélange : une tourmente collective, le climat de l'après-guerre restitué avec beaucoup de minutie, puis des destins intimistes décrits avec beaucoup de tendresse.

 

 

 


 
 
 
Extraits :
 
   En ce printemps 1947, Leith avait trente-deux ans. Il ne se considérait pas comme jeune. Sans doute ne s'était-il jamais senti jeune, car ceux de sa génération étaient nés dans la conscience de la Grande Guerre. Chez l'enfant pensif puis l'écolier voyageur et plein d'imaginatiion, le désir s'était tourné vers la croissance : grandir, partir. A l'université, il avait réussi ses études et s'était fait des amis, puis il avait pris sans se presser une direction bien à lui. Vint la marche forcée d'une nouvelle guerre. Après cela, impossible de retourner en arrière pour recouvrer sa jeunesse ou rattraper le temps perdu. Dans le sillage de tant de mort, la nécessité d'assembler la vie devenait à la fois urgente et oppressante.
 
 
Près d'une fenêtre, le frère était installé sur une méridienne, le buste soutenu par un traversin et des coussins rayés, les pieds légèrement surélevés par un boudin en caoutchouc manifestement taillé sur mesure. Il portait un simple peignoir de coto brun, comme un kimono sans ceinture, sur lequel reposaient ses mains jointes. Calé sur son ventre, par-dessus l'étoffe foncée, un livre ouvert se soulevait au rythme de sa respiration. Le garçon observait, semblait-il, le mur d'en face : mur précaire d'une pièce où il allait peut-être mourir.
 Leith s'étonna d'avoir autant de mort à ses trousses.
 
 
Commencée en hiver, leur liaison dura jusqu'à la fin du printemps. Leith avait déjà connu la passion, mais ce fut sa première expérience d'un vrai chagrin d'amour, avec ses transformations.Aurora cherchait dans leur aventure, qu'elle ne tenta jamais de minimiser, la preuve que sa vie continuait. Elle pleurait souvent dans son sommeil, Aldred en avait le coeur serré. Et elle avait l'habitude de l'appeler du prénom de son fils, ce qu'il acceptait volontiers, puisque c'était le pivot de leur relation.
 L'amour, pour elle, n'avait jamais été un calcul. Mais lucide malgré tout, elle ne tarda pas à se retirer du jeu.
 
 
 
 
Shirley HAZZARD
 
   Née en Australie, fille de diplomates, amie de Graham Greene, Shirley Hazzard a beaucoup voyagé en Asie et en Europe. Elle est l'auteur de plusieurs romans, dont The Transit of Venus (1981), mais aussi d'essais et de nouvelles. Aux États-Unis, Le Grand Incendie a été couronné par le National Book Award.
 
 
 
 
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