Extraits :
Rudi offre son visage à la pluie pour
boire, bouche ouverte, sans cesser de progresser. Pour réclamer au ciel un
air plus frais, plus respirable. Il est en sueur, brûlant sous ses habits
bons à tordre. Il bout de fièvre mais il ne s'en rend pas compte. Soudain une
masse blanchâtre vient heurter sa jambe gauche. Rudi la repousse par réflexe avec
l'horrible sensation de toucher la chevelure d'un noyé.
C'est un mouton crevé.
Rudi s'écarte vivement. Il lève les
genoux, bat des bras pour échapper à ce contact, mais le cadavre revient,
tournoyant sur lui même. A nouveau, Rudi s'éloigne avec une grimace de
répulsion. Et à nouveau, la bête prend le large avant de revenir,
irrésistiblement attirée par celui qui la chasse.
Rudi jure :
- Fous le camp, saloperie de
merde!
...
Serge, le mari de Varda , vient
embrasser Dallas.
- Dis donc, tu t'es rasé avec une biscotte
ce matin, dit-elle.
- J'ai pas entendu le réveil. J'ai failli
être en retard...
Serge est au contrôle qualité, dans l'équipe
de Rouvard. Il hausse la voix :
- Ca va ta bécane?
- Pas de problème pourquoi?
...
Perchée sur un escabeau , Dallas fait
les carreaux dans la salle à manger du docteur Kops. Elle asperge, elle essuie,
elle frotte encore, essuie, frotte avec une énergie rageuse, soudain son coeur
lui manque. Elle flanche, lâche son chiffon qui tombe sur le parquet. Sa tête
bourdonne. Dallas s'agrippe à l'escabeau. Elle pense qu'elle n'a pas de chance,
qu'elle paye pour quelque chose de mal qu'elle aurait fait, mais sans savoir
quoi. Elle a peur de ce qui arrive. C'est plus fort qu'elle. Ca l'effraye, ça
l'angoisse, ça lui noue le ventre et la gorge, ça lui fait battre les tempes et
pleurer les yeux. Elle voudrait que tout s'arrête.
- Tout de suite, gémit-elle tout
bas.
Elle se voit redevenir la petite
fille qui n'avait en tête que de s'amuser et se faire offrir des rouleaux de
réglisse par son père à la kermesse annuelle du curé. Elle était heureuse, elle
riait, elle faisait tourner autour d'elle sa jupe blanche en plissé
soleil....
Lorquin finit sa bière et fait signe
au garçon de le resservir :
- Pense à qui a été viré : les plus jeunes -
que des filles - et les plus vieux - ceux de ma génération. Pense maintenant à
ceux qui restent : ceux qui sont endettés jusqu'au cou et qui ont des enfants en
bas âge - comme toi - et les apprentis - comme ton beau-frère - sans autre
alternative que de se faire embaucher ou toucher le RMI. Ce qui est sorti de la
Kos, c'est la mémoire et l'avenir; ce qui est resté, c'est la peur.
...
La remarque de Mickie fait rire
Solange :
- C'est bien toi ça !
- Tu te souviens : on se débrouillait pas
mal, non, avec les garçons?
- Tu te débrouillais pas mal ! Moi, j'étais
trop timide...
- Pour y penser, c'est sûr que j'y pensais,
dit Solange avec un brin de mélancolie. Et toi ça va avec Armand?
...
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