Les vivants et les morts
 
de Gérard MORDILLAT
 
 
 
  Lui, c'est Rudi. Il n'a pas trente ans.
  Elle, c'est Dallas. Bien malin qui pourrait dire pourquoi tout le monde l'appelle comme ça. Même elle a oublié son nom de baptème.

  Ils travaillent tous les deux à la Kos, une usine de fibre plastique. Le jour où l'usine ferme, c'est leur vie qui vole en éclats, alors que tout s'embrase autour d'eux.

  A travers l'épopée d'une cinquantaine de personnages, Les vivants et les morts est le roman d'amour d'un jeune couple emporté dans le torrent de l'histoire contemporaine. Entre passion et insurrrection, les tourments, la révolte, les secrets de Rudi et Dallas sont aussi ceux d'une ville où la lutte pour la survie dresse les uns contre les autres, ravage les familles, brise les règles intimes, sociales, politiques.

 Dans ce monde où la raison financière l'emporte sur le souci des hommes, qui doit mourir? Qui peut vivre?
 
  Le combat d'ouvriers pour sauver leur travail comme leur dignité, pour rester vivants.
 Des petites histoires personnelles, de coeur, de corps, de boulot, de famille. Des tranches de vies qui se croisent et s'entrecroisent. Des vies quotidiennes prisent dans le tourbillon des luttes
pour la survie de son gagne-pain. Des destins racontés avec tendresse et justesse. Une belle fresque sociale. Un grand roman populaire.
 
 
Gérard Mordillat
est romancier et cinéaste. Il a entre autres, publié : Vive la sociale!, L'Attraction universelle, Rue des Rigoles.
 
 
 
 
 
 
Extraits :
 
  Rudi offre son visage à la pluie pour boire, bouche ouverte, sans cesser de progresser. Pour réclamer au ciel  un air plus frais, plus respirable. Il est en sueur, brûlant sous ses habits bons à tordre. Il bout de fièvre mais il ne s'en rend pas compte. Soudain une masse blanchâtre vient heurter sa jambe gauche. Rudi la repousse par réflexe avec l'horrible sensation de toucher la chevelure d'un noyé.
  C'est un mouton crevé.
  Rudi s'écarte vivement. Il lève les genoux, bat des bras pour échapper à ce contact, mais le cadavre revient, tournoyant sur lui même. A nouveau, Rudi s'éloigne avec une grimace de répulsion. Et à nouveau, la bête prend le large avant de revenir, irrésistiblement attirée par celui qui la chasse.
  Rudi jure :
- Fous le camp, saloperie de merde!
...
 
  Serge, le mari de Varda , vient embrasser Dallas.
- Dis donc, tu t'es rasé avec une biscotte ce matin, dit-elle.
- J'ai pas entendu le réveil. J'ai failli être en retard...
Serge est au contrôle qualité, dans l'équipe de Rouvard. Il hausse la voix :
- Ca va ta bécane?
- Pas de problème pourquoi?
...
 
  Perchée sur un escabeau , Dallas fait les carreaux dans la salle à manger du docteur Kops. Elle asperge, elle essuie, elle frotte encore, essuie, frotte avec une énergie rageuse, soudain son coeur lui manque. Elle flanche, lâche son chiffon qui tombe sur le parquet. Sa tête bourdonne. Dallas s'agrippe à l'escabeau. Elle pense qu'elle n'a pas de chance, qu'elle paye pour quelque chose de mal qu'elle aurait fait, mais sans savoir quoi. Elle a peur de ce qui arrive. C'est plus fort qu'elle. Ca l'effraye, ça l'angoisse, ça lui noue le ventre et la gorge, ça lui fait battre les tempes et pleurer les yeux. Elle voudrait que tout s'arrête.
- Tout de suite, gémit-elle tout bas.
  Elle se voit redevenir la petite fille qui n'avait en tête que de s'amuser et se faire offrir des rouleaux de réglisse par son père à la kermesse annuelle du curé. Elle était heureuse, elle riait, elle faisait tourner autour d'elle sa jupe blanche en plissé soleil....
 
  Lorquin finit sa bière et fait signe au garçon de le resservir :
- Pense à qui a été viré : les plus jeunes - que des filles - et les plus vieux - ceux de ma génération. Pense maintenant à ceux qui restent : ceux qui sont endettés jusqu'au cou et qui ont des enfants en bas âge - comme toi - et les apprentis - comme ton beau-frère - sans autre alternative que de se faire embaucher ou toucher le RMI. Ce qui est sorti de la Kos, c'est la mémoire et l'avenir; ce qui est resté, c'est la peur.
...
 
  La remarque de Mickie fait rire Solange :
- C'est bien toi ça !
- Tu te souviens : on se débrouillait pas mal, non, avec les garçons?
- Tu te débrouillais pas mal ! Moi, j'étais trop timide...
- Pour y penser, c'est sûr que j'y pensais, dit Solange avec un brin de mélancolie. Et toi ça va avec Armand?
...
 
 
 
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