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Mon rêve
familier
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant D'une femme
inconnue, et que j'aime, et qui m'aime, Et qui n'est, chaque fois, ni tout à
fait la même Ni tout à fait une autre, Et m'aime et me
comprend.
Car elle me comprend, et mon cœur, transparent Pour elle
seule, hélas ! cesse d'être un problème Pour elle seule, et les moiteurs de
mon front blême, Elle seule les sait rafraîchir, en
pleurant.
Est-elle brune, blonde ou rousse ?- Je l'ignore. Son nom ? Je
me souviens qu'il est doux et sonore Comme ceux des aimés que la Vie
exila.
Son regard est pareil au regard des statues, Et pour sa voix,
lointaine et calme, et grave, elle a L'inflexion des voix chères qui
se sont tues.
VERLAINE (1844-1896)
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